Médiation Catherine Dumas

Fight for your right

La gestion du conflit social sur la base de l’exemple de la réforme des retraites. Différence entre la France et l'Allemagne.

Traduction Catherine Dumas

…La France se met en grève – une fois de plus. Ce qui suscite l’étonnement en Allemagne a des raisons historiques. Car le droit de grève a une valeur particulière en France.

Rémi Bourguignon ne peut s’empêcher de sourire lorsqu’on lui demande d’expliquer pourquoi les grèves sont si nombreuses et si passionnées en France. Bourguignon est professeur à l’université Paris-Est-Créteil et spécialiste des mouvements sociaux et des syndicats.

Il existe en France une particularité historique, explique Bourguignon : le droit de grève était déjà garanti 20 ans avant la reconnaissance légale des syndicats. « Le droit de grève a d’abord existé, puis les syndicats sont arrivés. Dans notre culture, il y a donc d’abord le conflit – et ensuite les négociations », poursuit le professeur.

Le droit de grève existe en France depuis le milieu du 19e siècle. Peu après la fin de la Seconde Guerre mondiale, il a même été inscrit dans le préambule de la Constitution de l’époque et a aujourd’hui encore valeur constitutionnelle.

En France, tout le monde peut faire grève. À quelques exceptions près, comme les policiers et les militaires, même les fonctionnaires peuvent faire grève. Le fait que les fonctionnaires n’aient pas le droit de faire grève en Allemagne en étonne plus d’un en France. Parmi eux, Catherine da Silva. Elle est enseignante et a participé à la journée nationale de grève et d’action du 19 janvier.

« Je suis très surprise d’entendre cela. Nous sommes tout de même des fonctionnaires chargés d’apprendre aux enfants à vivre leurs droits de citoyens », dit da Silva. Elle trouve surprenant que ses collègues allemands n’aient pas ces droits civiques.

Différences avec le droit de grève allemand

En France, si au moins deux salariés arrêtent de travailler pour faire valoir ensemble leurs revendications auprès de l’employeur, cela est considéré comme une grève. En Allemagne, en revanche, seuls les syndicats peuvent appeler à la grève.

 

En outre, les grèves ne sont autorisées en Allemagne que lorsqu’il s’agit de revendications qui peuvent être réglées dans le cadre d’une convention collective. Par ailleurs, l’obligation de paix s’applique pendant la durée d’une convention collective. Après la fin de la convention collective, les partenaires sociaux doivent d’abord négocier avant de pouvoir parler de conflit social.

Lien avec le travail ou la politique ?

En France aussi, les revendications des grévistes doivent être liées à leur travail, c’est-à-dire à la rémunération, aux conditions de travail ou à la protection de l’emploi. Les grèves purement politiques sont interdites – et c’est ce qui complique les choses en ce moment.

En effet, dans les grèves actuelles, ce sont les employeurs qui supportent la charge financière, bien que les grévistes soient concernés par la réforme politique des retraites – avec laquelle les employeurs n’ont rien à voir en soi, estime Bourguignon.

Les employeurs sont en quelque sorte les victimes de quelque chose sur lequel ils n’ont aucune influence directe. Nous touchons ici aux limites du droit de grève. Et on peut déjà se demander dans quelle mesure cette grève est légitime.

Mais on peut aussi argumenter autrement, fait remarquer Bourguignon, car la France a une définition assez ouverte de la grève. Actuellement, il s’agit clairement du travail, du fait que les gens doivent travailler plus longtemps – et on se trouve donc dans une zone grise.

La majorité soutient les grévistes

Selon le professeur Bourguignon, la réforme des retraites soulève en outre une question bien plus importante et plus générale : celle de la justice sociale. C’est l’une des raisons pour lesquelles les protestations sont si vives et pourquoi les syndicats appellent à l’unité. Du moins pour l’instant.

La majorité des Françaises et des Français soutiennent encore les protestations contre le départ à la retraite à 64 ans. Selon un sondage réalisé pour la chaîne de télévision BFMTV, 57 % des personnes interrogées comprendraient même que les protestations paralysent en grande partie la vie publique.